ATELIER ALBERT COHEN

Groupe de recherches universitaires sur Albert Cohen

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Solal et les Solal sur France-Culture (Talmudiques)

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Albert Cohen et la puissance du roman 1/2 L'invention d'une langue

LIEN vers l'émission : https://www.franceculture.fr/emissions/talmudiques/albert-cohen-et-la-puissance-du-roman-12-linvention-dune-langue


"Cher Oskar !
Tu m’as écrit une lettre charmante qui demandait, soit une réponse rapide, soit pas de réponse du tout ; … Voilà une partie de ma réponse ! Il me semble qu’on ne devrait lire que les livres qui vous mordent et vous piquent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d’un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? Pour qu’il nous rende heureux, comme tu l’écris ? Mon Dieu, nous serions tout aussi heureux si nous n’avions pas de livres, et des livres qui nous rendent heureux, nous pourrions à la rigueur en écrire nous-mêmes. … — un livre doit être la hache qui brise la mer gelée qui est en nous. Voilà ce que je crois !"

Quel magnifique éloge du livre et de la puissance du roman nous offre ici Kafka dans cette lettre à Oskar Pollack datée de Janvier 1904. : Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée qui est en nous. Voilà ce que je crois !
Le roman nous aide à façonner et refaçonner infiniment le monde. N’est-ce pas d’ailleurs le sens du mot « fiction », qui vient du latin fingere et qui signifie « modeler » ? Modeler la matière des mots et du langage comme de l’argile, et en faire un Golem, une « créature en glaise » comme j’aime le dire pour faire sourire, en ajoutant immédiatement avec sérieux que la fiction, cette invention continue du monde, est ce qui nous protège contre la destruction de notre humanité par cette remise en question permanente, par cette nouveauté et singularité surprenante, que seul chaque roman apporte avec lui !
Puissance du roman qui est d’abord la puissance du langage, la puissance des mots qui ouvrent à l’intérieur de nous des espaces inconnus ou inexplorés créant littéralement des mondes et nous recréant à travers ces nouveaux mondes. Va et vient dynamique entre l’œuvre et le monde où chacun nourrit l’autre et lui donne plus de consistance, plus d’humanité.
Formidable travail de l’écrivain qui sait à chaque fois réinventer la langue ! Qui sait souligner les nuances, faire jouer les tonalités, déployer par les différents points de vue de ses personnages le chatoiement du monde. Qui sait donner à chaque mot sa densité, sa vibration, sa « libration », c’est à dire qui sait que les mots, les histoires, et les livres ont du poids.
Poids du monde que la littérature offre avec légèreté et beauté rappelant que la raison esthétique qu’apporte le roman et les œuvres d’art, n’est pas un « à côté » de la rationalité mais l’un de ses éléments constitutifs les plus essentiels et les plus incontournables.
Même si chaque romancier apporte un nouveau langage, et souvent un nouveau style, il y a dans cette République des lettres certains écrivains qui le font différemment. Mais vraiment différemment ! Je pense à l’un d’entre eux. Un très grand parmi les très grands ! C’était au XXe siècle. C’était Albert Cohen ! (Marc-Alain Ouaknin)


Albert Cohen et la puissance du roman 2/2 Un homme du monde

LIEN vers l'émission : https://www.franceculture.fr/emissions/talmudiques/albert-cohen-et-la-puissance-du-roman-22-un-homme-du-monde


La critique des œuvres d’Albert Cohen tourne autour du thème de la judéité depuis longtemps, car Cohen ne cesse d’explorer ce sujet, dans ses romans comme dans ses autres écrits, et dans ses entretiens, où il insiste sur sa propre judéité comme clé essentielle pour comprendre sa vie et son œuvre.

L’on évoque parfois le sujet comme point de départ, ou comme s’il allait de soi, et que les enjeux étaient évidents. Pourtant la question de l’identité juive et de l’identité tout court est éminemment complexe et dialectique.

Les romans de Cohen ne sont pas des romans juifs ni des romans sur les juifs mais des romans qui décrivent un monde dans laquelle les juifs ont leur place, ont leur part. (Marc-Alain Ouaknin)

Le livre de l'invité

Albert Cohen, Solal et les SolalSolal, Mangeclous, Les valeureux et Belle du seigneur.

Éditions Gallimard, Collection Qaurto

Une édition accompagnée d’un appareil critique d’une richesse impressionnante : un texte d’introduction, un dossier illustré de photos et de documents d’archive sur la vie et l’œuvre de Cohen, et une présentation pour chacun des quatre romans.

Un épais volume qui se termine par deux textes : un court texte de Cohen intitulé Combat de l’homme, et les notes d’un journal tenu Anne-Marie Boissonas-Tillier à propos de Belle du Seigneur.

Editions Quarto GallimardEditions Quarto Gallimard Crédits : .Radio France

Présentation de l'éditeur

Peu de lecteurs de Belle du Seigneur, en 1968, savaient que ce  roman était le dénouement d'un cycle inauguré en 1930 avec un premier  chef-d’œuvre, Solal, prolongé par Mangeclous en 1938 et achevé en 1969  avec la publication, à contretemps, des Valeureux...

Quarante ans  d'aléas éditoriaux avaient fait perdre de vue la continuité  chronologique du récit et, plus encore, son unité d'inspiration.

Rassemblant pour la première fois en un volume cette tétralogie avec le  titre que son auteur aurait voulu lui donner, Solal et les Solal, cette  édition Quarto invite à relire d'un œil neuf une œuvre d'exception, à  mieux en mesurer le rythme, à savourer l'équilibre entre les volets  dramatiques (le scénario obsédant de l'ascension et de la chute du  héros) et comiques (l'univers burlesque de Mangeclous et des siens), la  fantaisie baroque et la veine satirique, le souffle épique et la  tentation lyrique.

A travers la vie aventureuse de " Solal des Solal ",  enfant prodigue du ghetto à la poursuite d'un rêve d'Europe, se déploie  une ample méditation sur le destin juif, la culture occidentale, l'amour  et la condition humaine, servie par une prose généreuse et inventive  qui ne se refuse aucune audace.

L'édition de Philippe Zard offre un  important appareil critique qui reconstitue le contexte culturel de  l’œuvre, et élucide, dans de riches notes, les références littéraires,  bibliques, artistiques et religieuses, les allusions à des événements ou  des personnages historiques, les mots rares et les régionalismes.

Les  présentations des romans mettent en lumière la teneur politique et  philosophique de l’œuvre, ainsi que les tensions et les contradictions  qui la nourrissent : " Cohen est un écrivain juif comme Césaire est  nègre et Claudel catholique : ces adjectifs portent idiomatiquement, le  tout de la question humaine " (" Solal et les Solal : le roman  introuvable ").